Par Geoffroy Bertrand, ing., MBA, PMP / FTI Consulting
La COVID-19 a bouleversé l’industrie de la construction au Québec. L’implantation de nouvelles mesures sanitaires par la CNESST qui incluent notamment la distanciation physique sur les chantiers et des mesures d’hygiènes additionnelles se traduit par des pertes de productivité importantes pour les entrepreneurs québécois. Alors que la reprise des chantiers est maintenant complétée, les premières statistiques sur la productivité des chantiers post-COVID-19 fusent de toutes parts. À la lumière de ces études, deux constats s’imposent :
(i) Les études sont unanimes ; les chantiers font face à une importante perte de productivité (11 % à 35 %) et,
(ii)Une importante variance existe entre les résultats de ces
études, tel que démontré dans le tableau ci-dessous.
Ce deuxième constat peut être expliqué partiellement par les échantillons de projets choisis pour les études. Dans cet article, nous parlerons de nos constats sur les projets verticaux et horizontaux ainsi que des recommandations pour documenter et mitiger les impacts de perte de productivité sur vos chantiers.
Projets verticaux (bâtiment/station souterraine)
À travers nos mandats réalisés dans les derniers mois, nous remarquons une tendance émergeante : les projets verticaux ont été les plus durement frappés par la COVID-19. Ceci peut notamment être expliqué par la densité importante de travailleurs sur ces types de chantier et le fait que ce type de projet requiert une grande quantité de travail manuel.
La clé pour mitiger l’importante perte de productivité sur les projets verticaux repose sur une bonne planification de projet. Pour documenter et mitiger les impacts de la COVID-19, nous suggérons de réévaluer et retravailler l’échéancier de référence afin de :
(i) Subdiviser les étages par zone pour avoir un meilleur contrôle et une meilleure répartition de la main-d’œuvre sur le projet,
(ii) Échelonner l’arrivée et le départ des sous-traitants/employés afin d’éviter les goulots d’étranglement lorsqu’une marge existante est présente dans l’échéancier et,
(iii) Augmenter la marge entre les travaux planifiés des différents corps de métier pour réduire le chevauchement entre eux.
Projets horizontaux (voirie, oléoduc, transport, etc.)
La tendance de perte de productivité généralisée évoquée à la section précédente ne semble pas être aussi catégorique sur les projets horizontaux. Ces derniers reposent davantage sur de l’équipement et requièrent généralement moins de main-d’œuvre. Ce dernier facteur, combiné au fait que ces projets se déroulent à l’extérieur et possèdent un nombre important d’accès, explique que la perte de productivité est moins généralisée et moins importante sur les projets horizontaux. Certains projets horizontaux ont même su bénéficier des impacts de la COVID-19, dont notamment quelques projets de pavage dû au volume de circulation réduit. Malgré cette exception à la règle, les projets horizontaux ont tout de même été impactés par la COVID-19. À titre d’exemple, les projets d’égouts et d’aqueduc sont présentement impactés par les délais accrus de livraison de composantes standards de puisards et regards. Pour documenter les impacts, nous suggérons aux entrepreneurs de :
(i) Procéder à l’incorporation d’impacts (fragnet) dans votre échéancier lorsque les retards sont quantifiables (ex : retard de livraison) et,
(ii) Tenir quotidiennement un registre détaillé des quantités complétées afin d’être en position de mesurer, suivre et, au besoin, contrôler votre productivité en chantier. Ces données pourront aussi servir en cas de litige futur.
Conclusion
Malgré l’apparition d’études sur la perte de productivité résultant de la COVID-19, il demeure que les entrepreneurs devront démontrer leur perte de productivité réelle et associer cette perte à des facteurs qui ne sont pas de leur responsabilité (démonstration de cause à effet). À ce titre, il convient de faire la distinction entre coûts additionnels et perte de productivité. Il est important de ségréger le temps consacré au respect des nouvelles mesures sanitaires (coûts additionnels) de la perte de productivité survenue lors de l’exécution du contrat de base. Ces coûts ont de fortes chances d’être traités séparément par le donneur d’ouvrage dû au caractère fondamentalement différent du bien-fondé.