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L'hypothèque légale de la construction par un sous traitant : est-il possible pour l'entrepreneur général de la contester ou d'obtenir sa radiation ?

Il appert que le droit de faire publier des avis d’hypothèques légales de la construction sur les immeubles appartenant aux entrepreneurs généraux ou à leurs clients est de plus en plus utilisé comme «arme de négociation» par les sous-entrepreneurs, les fournisseurs de matériaux et les ouvriers dans le seul et unique but de forcer un règlement à bon compte en leur faveur.

En effet, le fait qu’une telle hypothèque prenne rang avant toute autre hypothèque publiée pour la plus-value apportée à l’immeuble a souvent pour effet de mettre les propriétaires en défaut auprès de leurs institutions financières. Compte tenu des pressions effectuées par les créanciers hypothécaires, les propriétaires mettent énormément de pression sur les entrepreneurs généraux pour qu’ils obtiennent la radiation de telles hypothèques légales.

Toutefois, qu’en est-il lorsque la bonne foi n’est pas au rendez-vous dans la relation contractuelle et que les entrepreneurs généraux sont aux prises avec des créanciers potentiels récalcitrants et vindicatifs qui n’ont souvent aucun droit véritable?

i. Le recours en substitution de garanties

L’article 2731 du Code civil du Québec édicte expressément que suite à la publication d’une hypothèque légale de la construction, le tribunal peut, à la demande du propriétaire, lui permettre de substituer à cette hypothèque une autre sûreté suffisante pour garantir le paiement. Bien que le libellé de l’article indique que c’est le propriétaire de l’immeuble qui a l’intérêt juridique pour faire une telle demande, un courant jurisprudentiel minoritaire reconnaît que ce droit peut éga-lement être dévolu à l’entrepreneur général qui détient lui aussi un intérêt juridique dans le cadre de sa propre relation contractuelle avec son client. Toutefois, il devra alors plutôt utiliser les dispositions du Code de procédure civile. L’entrepreneur général devra évidemment faire la preuve de son intérêt, de l’absence de recours alternatif, du préjudice grave qu’il subirait si l’hypothèque légale de la construction était maintenue pendant l’instance et de l’urgence de la situation.Postérieurement à cette détermination, le tribunal devra également vérifier que les éléments suivants ont été respectés:

a) Est-ce que l’entrepreneur général ou le propriétaire subit un préjudice de la publication d’un avis d’hypothèque légale de la construction?

La jurisprudence reconnait que le simple fait d’avoir publié une hypothèque légale de la construction à l’encontre d’un immeuble ne constitue pas en soi un préjudice pour le propriétaire ou l’entrepreneur général. Toutefois, les tribunaux ont reconnu que le fait de ne pas être en mesure de pouvoir vendre un immeuble vu qu’il est grevé d’une hypothèque légale constitue en soi un dommage. Il en est de même quand le donneur d’ouvrage effectue des retenues importantes en considération des hypothèques légales qui ont été publiées à l’encontre de l’immeuble.

b) Est-ce que le montant offert par le demandeur est suffisant?

La jurisprudence reconnaît que le demandeur doit, pour obtenir gain de cause, offrir un montant équivalent au capital, majoré de 2 ans d’intérêts au taux légal ou conventionnel ainsi que les frais judiciaires d’un éventuel état des frais, lequel exclut les honoraires d’avocats.

 

c) Est-ce que la garantie offerte offre les mêmes garanties que celles offertes par l’avis d’hypothèque légale de la construction?

La garantie le plus souvent donnée est le dépôt d’une somme dans le compte en fidéicommis d’un notaire, d’un avocat ou la consignation au greffe du tribunal.

Dans le cadre d’une entente entre les parties, ces dernières vont généralement signer une convention de substitution d’hypothèque dans le cadre de laquelle elles vont convenir que l’hypothèque qui grevait initialement l’immeuble sera reportée sur la somme placée en fidéicommis, qu’elle grèvera cette dernière et que le rang sera déterminé par la détention de la somme par le fidéicommissaire. En agissant ainsi, les parties s’assurent que dans le cadre d’une faillite, le créancier pourra faire valoir ses droits à l’encontre de la somme ainsi particularisée et qu’elle ne sera pas tout simplement dévolue au syndic de faillite.

À défaut d’entente, si ces 3 conditions sont remplies et que les sommes sont déposées conformément au jugement, le tribunal ordonnera alors la radiation de l’inscription de l’hypothèque légale de la construction.

Si la garantie offerte est autre, le tribunal détient toujours le pouvoir de refuser un tel report si la garantie offerte n’est pas de même nature ou si elle n’offre pas les mêmes garanties au niveau de l’exécution. À titre d’exemple, le fait de reporter une telle hypothèque en deuxième rang sur un autre immeuble pourrait ne pas donner les mêmes garanties même s’il existe une équité suffisante étant donné que l’exercice des droits par le créancier de premier rang pourrait préjudicier les droits du créancier devenu créancier de deuxième rang alors qu’il était ini-tialement de premier rang pour la plus-value apportée par ses travaux.

Dans l’un ou l’autre des cas, le tout n’aura pas pour effet d’annuler la créance du créancier, mais uniquement de donner mainlevée de la garantie. Le créancier devra alors entreprendre un recours afin de faire reconnaître ses droits et les exécuter à l’encontre de la somme ainsi substituée ou du nouveau bien grevé.

ii. L’absence de droit à l’hypothèque légale de la construction

Comme l’hypothèque constitue un accessoire garantissant le paiement d’une créance, encore faut-il qu’un droit de créance existe et surtout, que sa preuve en soit effectuée.

Il arrive fréquemment que les hypothèques légales de la construc-tion soient une conséquence d’une mésentente quant aux sommes qui sont réellement dues au titulaire de celles-ci. Incidemment, les recours entrepris par les entrepreneurs généraux visent généralement à faire liquider la créance réellement due au titulaire. Le cas échéant, le propriétaire ou l’entrepreneur général aura alors 30 jours après le jugement liquidant la créance due pour l’acquitter et ainsi éviter l’exercice du recours hypothécaire.

Voici quelques exemples de contestation du quantum retenus par la jurisprudence:

1.Les travaux du sous-entrepreneur n’ont pas été effectués selon les règles de l’art et des sommes ont dû être déboursées pour procéder à leur correction;

2.Dans le contrat de contrat à coûts majorés, les heures effectuées sont contestées;

3.Dans le cadre de contrat forfaitaire, la réclamation est constituée exclusivement de travaux additionnels qui sont contestés;

4.La réclamation n’est pas conforme aux dispositions contractuelles;

5.Les matériaux n’ont pas été incorporés à l’immeuble et peuvent être utilisés sur d’autres chantiers puisqu’ils n’ont aucune spécificité;

6.Les matériaux incorporés à l’immeuble sont de moins bonne qualité que ce à quoi l’entrepreneur général était en droit de s’attendre et ce dernier est en droit de demander une diminution de la valeur du contrat;

iii. L’irrespect des conditions de forme ou de fond de l’hy-pothèque légale de la construction

Certaines hypothèques légales de la construction sont publiées sans que toutes les formalités pour y avoir droit n’aient été respectées. Voici différents exemples:

7.Elle a été publiée par une autre personne qu’architecte, un ingé-nieur, un fournisseur de matériaux, un ouvrier, un entrepreneur ou un sous-entrepreneur;

8.Elle a été publiée par un sous-entrepreneur qui ne détenait pas les licences appropriées délivrées par la Régie du bâtiment du Québec et cette absence de détention n’a pas été portée à la connaissance du propriétaire;

9.Les travaux effectués n’ont pas apporté de plus-value à l’im-meuble. La jurisprudence a reconnu que la location de produits non incorporés à la structure ne donne pas droit à la publication d’une hypothèque légale étant donné l’absence de plus-value à l’immeuble;

10.L’irrespect du délai de 30 jours de la fin des travaux pour faire signifier et publier l’avis d’hypothèque légale de la construction;

11.L’omission de faire publier un préavis d’exercice ou une action contre le propriétaire dans les 6 mois de la fin des travaux ou de la publication de l’avis d’hypothèque légale, selon la plus tardive des deux éventualités;

12.Des travaux qui auraient été réclamés par un locataire ne donne-raient pas le droit à l’hypothèque légale puisque ceux-ci doivent avoir été demandés par le propriétaire;

13.L’absence de dénonciation préalable au propriétaire lorsque le titulaire n’a pas lui-même contracté avec le propriétaire. Il y a lieu de rappeler que la dénonciation à un mauvais propriétaire équivaut à une absence de dénonciation préalable et le tribunal ne peut pas suppléer au défaut d’avoir publié son avis d’hypothèque légale sur le bon lot. Il y a donc lieu pour l’entrepreneur de faire les démarches nécessaires pour s’assurer que le tout est publié sur le bon numéro de lot et dénoncé au véritable propriétaire.

Nous soumettons que de tels exemples pourraient constituer des moyens pour l’entrepreneur général et le propriétaire pour demander la radiation de l’hypothèque légale de la construction, ladite liste n’étant toutefois pas exhaustive.

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