Chroniques

La CEGQ publie de nombreuses chroniques dans son Journal de l'entrepreneur général, parfois écrites à l'interne mais aussi par des collaborateurs à l'externe.

Éditorial - Il faut reporter l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la SST

Par Éric Côté / 
Président directeur-général de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec
 

Adopté unanimement par l’Assemblée nationale en 2021, le projet de loi 59 loi modernisant la loi sur la santé et sécurité introduit de nombreux changements dans la Loi. Il est particulièrement ambitieux pour le secteur de la construction.

À titre d’association représentant des maîtres d’œuvre, il va sans dire que nous souscrivons à la mise en place de mesures qui viennent réduire ou prévenir le nombre d’accidents sur les chantiers. Or, pendant l’étude du projet de loi 59, les associations patronales en construction dont la CEGQ ont unanimement soulevé dans leurs mémoires et présentations respectives certaines lacunes et imprécisions du projet de loi, notamment en regard des dispositions concernant les représentants en santé et sécurité du travail (RSS). Surtout, nous avons émis de sérieuses appréhensions quant à certains aspects de son applicabilité.

Maintenant que le projet de loi 59 a force de loi, nous sommes pleinement conscients que l’heure n’est plus au débat sur le choix des mesures pour y arriver, le seul objectif que nous visons à présent est d’aider nos membres à se conformer à la loi. Toutefois, cet objectif s’avère pour le moment difficile, sinon impossible à atteindre.

Nous avons déjà porté à l’attention du ministre Jean Boulet, après l’adoption du projet de loi no 59, le fait que plusieurs modalités afin de réussir la mise en application de la nouvelle loi n’avaient tout simplement pas été prévues. Le ministre a alors pris acte de nos inquiétudes et nous a dirigés vers la CNESST afin de participer au comité consultatif mis sur pied à cette fin, une première pour la CEGQ.

Avant le début des travaux du comité consultatif, avec nos collègues des autres associations patronales, nous avons soumis, par écrit, un nombre important de questions à la CNESST. Elle a répondu à quelques-unes de nos questions, mais la grande majorité demeure sans réponse satisfaisante. Nous avons participé au comité consultatif de la CNESST dans l’espoir d’obtenir des réponses satisfaisantes à ces questions. Au moment d’écrire ces lignes, trop d’éléments restent à définir pour assurer la pleine application par les entrepreneurs des mécanismes prévus dans la loi.

Or, à partir du 1er janvier 2023, tous les nouveaux chantiers de construction de 10 travailleurs ou plus devront avoir un représentant à la santé-sécurité. Ces personnes devront avoir suivi une formation d’une durée de 3 à 40 heures, selon le cas. Malheureusement, à quelques mois de l’entrée en vigueur il est illusoire de croire que ces représentants puissent être formés avant le 1er janvier 2024. Confier un rôle en matière de santé-sécurité aux représentants de travailleurs sans qu’ils n’aient été adéquatement formés constitue un risque pour la santé-sécurité de nos travailleurs en chantier, sans parler de la productivité et l’efficience de la saine gouvernance requise.

À moins de 90 jours de l’entrée en vigueur des mécanismes de prévention pour le secteur de la construction, force est de constater que le niveau de préparation de la CNESST, après moult tergiversations et hésitations, malgré notre engagement dans les travaux du comité consultatif, n’est pas celui auquel nous étions en droit de nous attendre.

Si tout comme les entrepreneurs que nous représentons, le gouvernement souhaite le succès de cette réforme sur les chantiers de construction, il n’y a pas d’autre choix que d’appliquer le principe de prudence et réaliser qu’à ce moment-ci, ils ne peuvent garantir sa mise en application pour le 1er janvier 2023.

Les entrepreneurs ne peuvent improviser un encadrement des mécanismes de participation et de prévention. À l’aube de ces changements importants, il y a risque de semer la confusion, de ralentir indûment les travaux, d’envenimer le climat de travail et risquer la sécurité de nos travailleurs sur les chantiers de construction au Québec.

Pour les raisons évoquées, il faut prolonger le régime intérimaire actuel et reporter l’entrée en vigueur à une date ultérieure où les travailleurs auront reçu la formation recommandée par la loi et où les entrepreneurs auront obtenu des réponses satisfaisantes à leurs nombreux questionnements. 

 
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