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Hypothèque légale de la construction : la Cour d’appel rappelle qu’il faut dénoncer son contrat!

L’article 2728 du Code civil du Québec prévoit que l’hypothèque légale de la construction est limitée aux travaux, matériaux ou services qui suivent la dénonciation écrite du contrat au propriétaire. Il en découle l’obligation, pour les sous-traitants et les fournisseurs de matériaux et de services, de dénoncer en temps opportun au propriétaire par écrit leur contrat s’ils désirent préserver leurs droits de se prévaloir d’une hypothèque légale.  

Dans un arrêt récent1, la Cour d’appel a déclaré nulles les hypothèques légales de la construction publiées par un sous-traitant au motif que ce dernier n’avait pas dénoncé son contrat par écrit au propriétaire. 

Dans cette affaire, l’entreprise Les Produits Forestiers D&G Ltée (« D&G ») entreprend des travaux d’agrandissement de son usine à Saint-Aurélie au Québec. Elle confie les travaux à l’entreprise 9280-9623 Québec inc. (« Construction KTG »). Cette dernière sous-traite à Structures M.H. inc. (« MH ») les travaux de fabrication et d’installation des charpentes d’acier. À son tour, MH confie un contrat de sous-traitance à des fournisseurs de matériaux qui dénoncent par écrit leur contrat à D&G. Quant à MH, celle-ci omet de dénoncer son contrat à D&G. 

Après la réalisation des travaux, MH paie entièrement ses fournisseurs de matériaux bien que celle-ci demeure impayée, et ce, notamment du fait que Construction KTG a fait cession de ses biens. MH fait publier trois hypothèques sur trois lots de D&G. D&G intente une demande en radiation de ces hypothèques en plaidant que MH ne lui a pas dénoncé son contrat par écrit. Pour sa part, MH plaide qu’elle n’avait pas à dénoncer son contrat dans les circonstances puisque ses propres fournisseurs avaient chacun dénoncé leurs contrats en référant spécifiquement au fait que MH leur avait confié une sous-traitance.  

En première instance, la Cour supérieure donne raison à MH. Selon la Cour, les dénonciations écrites émises par les deux fournisseurs de MH servaient à informer suffisamment D&G de l’existence et de la teneur du contrat intervenu entre KTG et MH. La Cour a ajouté que dans le cas où D&G estimait ne pas avoir de renseignements suffisants à cet égard, elle aurait dû se renseigner davantage. Ainsi, la Cour supérieure rejette la demande de radiation des hypothèques. 

Saisie du dossier, la Cour d’appel rappelle dans un premier temps que la dénonciation par écrit du contrat vise à informer le propriétaire 1) de l’objet du contrat signé par le sous-traitant, 2) de son prix approximatif et 3) de l’intention de ce dernier d’exercer éventuellement ses droits hypothécaires2.  

Ensuite, la Cour retient qu’il était acquis au débat que MH n’avait pas dénoncé par écrit au propriétaire, D&G, le contrat intervenu avec KTG. De plus, selon la Cour, il n’y a aucun élément de preuve au dossier indiquant que D&G connaissait les tenants et aboutissants du contrat signé entre MH et KTG, du fait que D&G n’avait pas participé activement aux négociations du contrat ni à l’exécution des travaux exécutés par MH. La Cour retient également qu’il n’y avait au dossier aucune preuve selon laquelle D&G aurait renoncé à recevoir une dénonciation écrite.  

Enfin, quant à l’obligation du propriétaire D&G de se renseigner quant au contrat intervenu entre MH et KTG, la Cour d’appel énonce que cette obligation ne peut s’appliquer à l’égard du propriétaire, D&G, alors même que l’existence de ce contrat ne lui avait pas été divulguée ni à travers les dénonciations des fournisseurs ni par MH elle-même. Selon la Cour, le défaut de MH de dénoncer son contrat par écrit est lié à son défaut de veiller prudemment à la conduite de ses affaires et non à un manquement de D&G.  

La Cour d’appel infirme ainsi la décision de la Cour supérieure et déclare nulles les hypothèques légales de la construction publiées par MH.  

Cette affaire illustre l’importance pour les intervenants du domaine de la construction de s’assurer de rencontrer les formalités prévues à la loi permettant d’exercer un recours hypothécaire. Il y a lieu de retenir que même si, dans certaines circonstances particulières et exceptionnelles, la dénonciation écrite n’est pas requise, la question demeura une question de fait dont l’appréciation sera laissée au tribunal. Ainsi, afin d’éviter une mauvaise surprise, il serait prudent d’émettre, avant l’exécution des travaux, une dénonciation écrite au propriétaire dont le contenu répond aux exigences de la loi.  

L’article publié ne reflète que l’opinion de leurs auteurs et ne constitue pas un avis juridique. 

 

Mes Gerry Argento, LL.M. et Paola Camacho. 13 septembre 2022.  

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1 Produits forestiers D&G ltée c. Structures MH inc.,2022 QCCA 970

2 Produits forestiers D&G ltée c. Structures MH inc.,2022 QCCA 970, para 29

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