La future école primaire du secteur Vauquelin, à Longueuil, n’est pas seulement le premier bâtiment du genre à être construit avec une structure de bois. Elle aura été bâtie avec ce qui est aussi une rareté dans la construction : 25 % de la main-d’œuvre de ce chantier est composée de femmes.
C’est du jamais vu pour Charlotte Angers, copropriétaire de Gératek, l’entrepreneur général chargé de la construction de l’école. Et c’est arrivé tout seul, sans qu’on s’en rende compte, précise-t-elle lors d’un entretien avec La Presse.
« C’est bien la preuve que les mentalités ont changé, constate-t-elle. L’intérêt des femmes pour le secteur de la construction a augmenté dans les dernières années, mais le milieu a aussi changé. »
Les premières femmes qui ont tenté leur chance dans ce qui reste une chasse gardée masculine ne l’ont pas eue facile, selon Charlotte Angers, qui est dans le métier depuis plus de 20 ans.
« Les gens n’étaient pas encore prêts. Mais la vieille garde a pris sa retraite et les plus jeunes, peut-être influencés par leurs mères, sont plus ouverts. »
Sur le chantier de l’école de Longueuil, les métiers s’accordent au féminin pluriel. Il y a deux charpentières-menuisières, une électricienne, une agente de santé et sécurité, une ingénieure et des chargées de projet.
Les chargés de projet, qui sont les chefs d’orchestre sur un chantier, ont une tâche difficile, souligne Charlotte Angers. « Ils doivent se faire respecter et ça prend un certain courage. »
Eva Massé-Houle, chargée de projet sur le chantier, ne voit que du positif à la présence accrue des femmes dans le secteur de la construction. « Ça change la dynamique complètement, dit-elle. Il y a plus d’humour, les choses se règlent de façon plus cordiale », constate-t-elle.
Les hommes, autant que les femmes, apprécient le changement, selon elle.
Audrey Cabana-Demers, 33 ans, se lève tous les matins à 4 h 30 pour être à pied d’œuvre à 7 h sur le chantier de l’école de Longueuil. Charpentière-menuisière à l’emploi de Gératek depuis un an, elle est dans son élément.
« J’ai pogné la piqûre des chantiers commerciaux après avoir fait de l’ébénisterie, de la rénovation et de l’aménagement paysager, dit-elle. J’ai eu le goût d’aller dans le plus gros. » Le secteur de la construction commerciale est un tout autre monde, a-t-elle constaté. Il y a plus de discipline, plus de règles à respecter.
Les chantiers ont rajeuni, constate-t-elle aussi. « Il y a eu une rotation des générations. » Des farces plates, il y en a encore. « Comme partout, dit-elle. Ça fait partie de la game, on en fait aussi et on est capables d’en prendre. »
Ce jour-là, Audrey avait fait des trous dans les poutres de la nouvelle structure et construit des escaliers et des murs temporaires. Les tâches variées, la possibilité de faire des formations pour diversifier ses connaissances et le travail extérieur, c’est fait pour elle.
« Je n’ai pas besoin d’aller au gym », rigole-t-elle. Le travail est dur, convient-elle, mais il n’y a rien qu’une femme ne peut pas faire sur un chantier.
Si hommes et femmes sont maintenant à armes égales sur les chantiers de construction, c’est beaucoup grâce aux normes de santé et de sécurité qui sont apparues et ont été renforcées avec les années.
« L’industrie a fait un grand virage sur le plan santé et sécurité, confirme Charlotte Angers. Les normes sont devenues plus exigeantes et la CNESST les fait respecter. »
L’industrie a investi dans la technologie et les équipements pour faciliter la tâche de tout le monde, les hommes comme les femmes, précise-t-elle.
Loin de la parité
Si le chantier de construction de l’école de Longueuil se démarque avec ses 25 % de main-d’œuvre féminine, c’est aussi parce que le secteur de la construction a encore beaucoup à faire pour augmenter la présence des femmes.
Selon les statistiques les plus récentes de la Commission de la construction du Québec, les femmes comptent pour 2 % de la main-d’œuvre dans les métiers spécialisés. En ajoutant le personnel de bureau, la proportion grimpe à 12 %.
Les femmes sont surtout intéressées par les métiers de peintre et d’électricien. Il y avait seulement 17 grutières et 2 mécaniciennes de chantier, à la fin de 2019, selon les mêmes statistiques.
« On est encore loin de la parité », souligne Eva Massé-Houle. Il y a encore du travail à faire pour intéresser les femmes aux différents métiers du secteur de la construction. « Les outils continuent d’attirer plus les garçons que les filles. »
La pénurie de main-d’œuvre, particulièrement aiguë dans la construction, pourrait accélérer le mouvement. Selon les économistes de la CCQ, l’industrie aurait besoin de 13 000 nouveaux employés par année pour combler ses besoins au cours des prochaines années.
N’empêche que même lentement, les choses changent. « Si on m’avait dit il y a 10 ans qu’il y aurait des charpentières-menuisières sur les chantiers, je serais partie à rire », lance la patronne de Gératek. .
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